Depuis trois ans, je dirige un programme de recherche de FPInnovations appelé Foresterie 4.0. Notre objectif est d’accélérer le mouvement vers le développement durable en automatisant davantage les opérations forestières au Canada. Je parle ici de camions autonomes, de systèmes de circulation en peloton et de machines forestières automatisées.
Le programme Foresterie 4.0 a été créé pour trouver des solutions aux difficultés qui touchent l’industrie forestière (pénuries de main-d’œuvre, coûts élevés de la fibre et connectivité en forêt) ainsi que pour améliorer sa performance environnementale. Le programme s’inspire du concept d’Industrie 4.0, considéré comme la prochaine révolution industrielle. Les nouvelles technologies informatiques, comme l’automatisation, les systèmes cyberphysiques, la réalité augmentée et virtuelle, l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, vont améliorer considérablement l’industrie forestière et garantir sa compétitivité.
Certains appellent ce mouvement la quatrième révolution industrielle, mais lors d’une journée de l’innovation Suède-Canada à laquelle j’ai assisté récemment à Montréal, un conférencier nous a dit qu’on ne devrait plus utiliser ce terme. Les changements climatiques étant reconnus par la communauté scientifique comme la plus grande menace pour la prochaine génération, nous devrions plutôt parler de « révolution durable », selon lui. Ce nouveau terme résonne chez moi parce que c’est exactement ce que j’envisage quand je pense à l’avenir de notre secteur.
Le terme décrit aussi précisément l’objectif global du programme Foresterie 4.0, soit d’utiliser la technologie pour résoudre des problèmes opérationnels tout en créant une industrie forestière durable. Je pense que la combinaison technologie et durabilité est la voie de l’avenir pour toutes les industries, y compris le secteur forestier canadien. En fait, ce secteur peut être à l’avant-garde de cette révolution.
L’industrie forestière, grâce à l’intensification de la foresterie, compte parmi les quelques industries qui peuvent croître en réduisant leurs émissions de GES et en restant durables. Les forêts font partie du puits de carbone et quand nous récoltons des arbres et les transformons en habitations ou en produits à longue durée de vie, nous captons et séquestrons du dioxyde de carbone. Entretemps, de nouveaux arbres remplacent ceux qui ont été récoltés et le cycle de captage et de stockage du carbone recommence.
C’est quand nous remplaçons des produits non renouvelables associés à de fortes émissions de GES par des produits renouvelables et durables à base de bois que nous pouvons avoir le plus grand impact. Les produits du bois ont les attributs nécessaires pour être un élément important d’une économie circulaire où des sous-produits deviennent des ingrédients d’autres procédés.
Les défis de cette révolution sont nombreux et c’est pourquoi nous nous associons à de grandes organisations du monde entier pour accélérer le rythme du développement. À la fin de l’an dernier, FPInnovations a signé un protocole d’entente avec l’Institut suédois de recherche forestière Skogforsk dans le but de promouvoir l’échange international de recherches sur la récolte automatisée.
Nous sommes également fiers de notre collaboration avec le milieu de l’enseignement, notamment avec le Réseau canadien de robotique du CRSNG, le consortium de recherche FORAC de l’Université Laval, le Centre de formation professionnelle de Mont-Laurier en récolte forestière et l’Université d’Auburn, en Alabama. Nous avons aussi de solides collaborations avec le secteur privé, par exemple avec Rigid Robotics, Ambra Solutions, LlamaZOO, Iotatel, ASI, Lim Geomatics, Forsite et Scaffold AI. Il est important de créer un écosystème d’organisations qui partagent une même vision pour mettre en œuvre et appuyer cette révolution en collaboration avec des fabricants d’origine. La concurrence d’autres secteurs est forte pour attirer les entreprises de haute technologie, mais je crois que l’industrie forestière leur offre beaucoup de potentiel parce que quelques-unes seulement occupent actuellement l’espace et que le potentiel de croissance est énorme.
L’avenir de la foresterie est stimulant et brillant. Nous avons l’occasion d’utiliser des technologies de pointe pour augmenter la viabilité économique de toute la chaîne d’approvisionnement de façon durable, ce qui complétera le savoir-faire dont nous disposons déjà pour gérer nos forêts et l’analyse du cycle de vie des produits du bois. Le secteur forestier est bien placé pour faire de la révolution durable une réalité. Relevons le défi, transformons le secteur, contribuons à une économie canadienne plus verte et partageons la fierté collective de la création d’un avenir durable pour tous.
Par Francis Charette, FPInnovations, chercheur, approvisionnement en fibre