Avec près de 8 000 incendies forestiers qui surviennent chaque année sur le vaste territoire canadien, il va sans dire qu’un nombre important de ressources sont requises pour en faire la gestion. Dans le présent article, Greg Baxter, du groupe de recherche sur les incendies forestiers de FPInnovations, répond aux questions sur le travail fait par FPInnovations pour aider à assurer la sécurité de la ressource la plus importante : les humains travaillant directement en première ligne.
Quels travaux sont menés par FPInnovations pour assurer la sécurité des pompiers?
GB: FPInnovations a mené de nombreux projets qui ont un impact sur la sécurité des pompiers. Au cours des deux dernières décennies, nous avons effectué des recherches sur les casques de pompier, les vitesses de déplacement à pied et les zones de survie. Nous avons récemment terminé un projet de 5 ans dans lequel nous avons étudié la collecte et l’utilisation de données sur le gradient thermique adiabatique.
Qu’entend-on par zone de survie et gradient thermique adiabatique, et quelles sont les répercussions sur la sécurité des pompiers?
GB: Commençons par le gradient thermique adiabatique. C’est un terme utilisé pour décrire le changement de température avec l’altitude et qui décrit la stabilité de l’atmosphère. Plus les variations de température sont importantes, en particulier dans les 1000 premiers mètres, plus l’atmosphère est instable. Il y a eu des cas où des incendies de forêt ont « explosé » sans aucun indice préalable que cela se produirait. Des études de cas après-incendie ont révélé que des conditions atmosphériques très instables existaient au moment de l’explosion. L’augmentation soudaine et imprévue du comportement du feu est très dangereuse pour ceux qui travaillent sur les lignes de feu. Ces données sont actuellement recueillies de façon limitée dans des emplacements sélectionnés par Environnement Canada. Ce projet vise à accroître l’accessibilité et la résolution spatiale de cette information dont la diffusion en temps opportun est cruciale.
Pourriez-vous décrire le projet de FPInnovations sur les gradients thermiques?
GB: Nous avons étudié des méthodes de prises de données de température au-dessus d’une zone de feu de forêt, puis de transfert de ces données en temps quasi réel aux gestionnaires affectés aux incendies. Un meilleur portrait de la stabilité de l’atmosphère pourrait devenir un outil supplémentaire pour améliorer la sécurité des pompiers.
À l’aide d’un avion de lutte contre les incendies muni d’un capteur externe, nous avons recueilli des données pendant deux saisons d’incendies très actives. Après avoir comparé ces données à celles d’Environnement Canada pour s’assurer de leur exactitude, nous avons calculé les gradients thermiques adiabatiques et identifié quelques exemples de situations très instables et les avons reliés dans certains cas à des augmentations d’intensité du feu. Un autre produit développé dans ce projet était un capteur peu coûteux fabriqué à l’aide de composants facilement disponibles. Ce capteur, qui peut être utilisé pour collecter des données de gradient thermique, peut être fixé à un drone que le personnel au sol peut utiliser sur la ligne de feu. Une InfoNote que nous avons publiée fournit des informations détaillées afin que n’importe qui puisse construire le capteur, et elle documente le processus de transfert des données du véhicule vers un serveur, puis vers le personnel au sol afin que les services d’incendie puissent recueillir et utiliser les données pour améliorer la sécurité.
Vous avez aussi parlé de zones de survie. De quoi s’agit-il au juste?
GB: Les zones de survie permettent aux pompiers d’échapper à une situation potentiellement mortelle, de se replier et, tout simplement, de survivre. Il ne s’agit pas des zones de sécurité, qui sont de vastes secteurs dégagés de débris où les pompiers (et leur matériel) peuvent se rendre et se réfugier. Les zones de survie sont des ouvertures plus petites où le pompier sera probablement dans une situation inconfortable et « sentira la chaleur ». Cette recherche complémente le travail préalablement entrepris par notre équipe afin d’identifier les facteurs exerçant une influence sur la vitesse à laquelle les pompiers peuvent se déplacer le long des routes de secours pour se soustraire aux conditions dangereuses d’incendies forestiers.
Quel genre de travail a été effectué par FPInnovations sur les zones de survie?
GB: Nous avons établi des lignes directrices que les pompiers peuvent suivre lorsqu’ils doivent choisir et utiliser des zones de survie en dernier recours s’ils sont piégés dans un feu incontrôlé. Pour tester les zones de survie, nous avons d’abord identifié les conditions limites de survie des humains en fonction de l’exposition à la chaleur rayonnante. Nous avons allumé des feux expérimentaux à partir de broussailles et de combustible forestier, dans des ouvertures faites à la main ou naturelles, et établi trois parcelles d’essai dans un feu de forêt dans les Territoires du Nord-Ouest. Des capteurs de chaleur collectaient des données lorsque le feu se déplaçait vers, autour (ou à travers) et au-delà de ces ouvertures. Nous avons commencé avec des feux de broussailles, car de nombreux feux pouvaient être allumés rapidement pour développer nos méthodes de recherche, puis nous nous sommes tournés vers le bois debout et les arbustes et avons même inclus un feu sur une pente forte dans le parc national de Jasper.
Quels éléments déterminent une zone de survie appropriée?
GB: Elle devrait être constituée de zones ouvertes avec peu ou pas de combustibles de surface qui aiderait à propager le feu ou s’enflammerait à cause des braises. La dimension de la zone de survie dépend de la hauteur du combustible environnant. Nous avons constaté que dans les broussailles, des ouvertures de 10 mètres étaient suffisantes dans la plupart de nos essais. Dans la forêt, des ouvertures de 20 à 50 mètres de diamètre ont été suffisantes lors de nos essais. Nous n’avons pas été en mesure d’effectuer des feux dans tous types de combustibles ou dans toutes les conditions de brûlage, mais en général, plus l’ouverture de la zone est grande, mieux c’est. À titre d’exemple, une zone de survie appropriée dans les forêts d’épinettes noires d’Alberta pourrait être un site de puits qui mesure en général 120 m x 120 m.
Lorsque nous avons fait nos essais en pentes abruptes, nous avons constaté que des ouvertures encore plus grandes étaient nécessaires car les flammes penchent vers la pente et sont pas conséquent plus près du sol. En général, les feux de broussailles nécessitent des ouvertures moindres que les forêts d’épinettes noires (arbres de 10 mètres), qui à leur tour nécessitent des ouvertures plus petites que les forêts de pins (arbres de 15 mètres).
Il s’agit de lignes directrices prévues pour les pires hypothèses. Un facteur clé est le comportement humain. Être capable de rester calme, de se déplacer vers une zone de survie, puis de s’allonger sur le ventre sont essentiels. Bien sûr, la meilleure option serait d’avoir des prévisions précises du comportement du feu afin d’éviter de telles situations.
Nous étudions les zones de survie depuis plusieurs années et prévoyons terminer le projet cet été avec un dernier brûlage expérimental.
Rapports pertinents
L’accès aux rapports suivants est possible via la bibliothèque de recherche de FPInnovations :
- Environmental Lapse Rate as a Wildfire Tool. Next Steps for Tool Delivery
- Real-Time Collection of Temperature Lapse Rate Data from Aircraft for Use in Fire Operations
- Survival Zones for Wildland Firefighters: A Case Study at Vine Creek in Jasper National Park
- Burn Injuries and Their Relation to Wild Land Fire Fighting
- An Analysis of Dodge’s Escape Fire on the 1949 Mann Gulch Fire in Terms of a Survival Zone for Wildland Firefighters
Pour plus d’informations, veuillez communiquer avec Greg Baxter, chercheur principal, Programme de recherche sur les incendies forestiers de FPInnovations.