Échantillonnage des cimes et gestion des insectes nuisibles : les nouvelles technologies robotisées peuvent-elles faire une différence?

Cet article a initialement été publié dans l’édition avril 2023 de Le Monde Forestier

Les défoliateurs qui se nourrissent de jeunes aiguilles ou de feuilles des essences hôtes, par exemple la tordeuse des bourgeons de l’épinette, l’arpenteuse de la pruche et autres ravageurs, constituent une perturbation naturelle récurrente qui touche plus de terres forestières que les feux de forêt au Canada. Lors d’épidémies, les attaques répétées réduisent la capacité photosynthétique de l’arbre, ce qui a un impact sur la croissance et peut éventuellement entraîner la mortalité. L’identification précoce du risque d’épidémie peut aider à déployer des mesures de contrôle par le biais de programmes de pulvérisation de bioinsecticides, à établir une gestion préventive et d’intervention précoce ou à ajuster les traitements sylvicoles (p. ex., la récolte). Pour surveiller l’étendue des grandes épidémies, il existe deux approches principales. La première consiste en des relevés aériens où une évaluation grossière de la défoliation est déterminée lorsque les dommages sont visibles, tandis que la deuxième approche est plus prédictive, où un échantillon d’œufs, de larves ou le pourcentage de défoliation est collecté sur des arbres uniques et analysé. Dans l’optique de mettre en place cette approche prédictive, cette étude se penche sur l’utilisation d’une nouvelle technologie de drone pour la récolte d’une grande quantité d’échantillons.

Pour estimer de manière fiable les populations de défoliateurs et la distribution de la défoliation dans une province, il est nécessaire d’échantillonner un grand nombre d’arbres. Chaque échantillon comprend 2 à 3 branches de 50 à 70 cm de longueur, prélevées dans la zone allant du milieu de l’arbre à la cime de la couronne mature (plus de 12 m de haut). Pour réaliser cet exercice, on utilise généralement un équipement d’élagage composé de perches légères et extensibles en aluminium ou en fibre de carbone et d’une tête de coupe contrôlée par une longue corde. L’intervention par du personnel qualifié est essentielle pour manipuler les perches pendant de longues périodes et pour naviguer entre les couronnes des arbres en toute sécurité. Les récents progrès de la technologie robotique ont permis le développement d’un concept similaire composé d’un bras robotique (échantillonneur DeLeaves) suspendu à un drone et capable d’élaguer, en se déplaçant au-dessus de la canopée, des branches de 20 mm à l’aide d’une petite scie rotative et de deux pinces. La figure (jointe) de Outreach Robotics en présente un exemple (https://www.outreachrobotics.com/). Le pilote dirige le drone à distance à l’aide de deux caméras (drone et bras robotisé) et de coordonnées GPS pour diriger le système vers l’arbre ciblé, prélever un échantillon et le déposer à l’endroit souhaité.

Pour bien comprendre l’efficacité des deux techniques, FPInnovations a procédé à un essai fondé sur deux scénarios, soit un peuplement plus court situé plus près de la route où les échantillons pouvaient être transportés jusqu’à la route, et un peuplement légèrement plus grand et plus éloigné de la route, où les échantillons étaient déposés sur place. Une comparaison du taux d’acquisition des échantillons a montré que la taille à la perche est efficace lorsque les arbres sont plus courts alors que l’échantillonneur DeLeaves présente un net avantage dans les peuplements plus hauts. L’élagage à la perche exigeait plus d’efforts pour atteindre les arbres plus hauts et une vigilance constante pour des opérations sécuritaires. Par ailleurs, en présence de branches denses, comme c’est le cas pour les sapins, il fallait plus de temps à l’outil DeLeaves pour cibler la branche.

Cet essai spécifique a permis de mettre en évidence les différences entre les deux techniques et d’évaluer quand l’utilisation de l’une ou de l’autre serait préférable (tableau 1). Le principal avantage de l’approche par drone est qu’elle n’est pas limitée à la hauteur ou à la densité de l’arbre. Cela constituerait un avantage évident pour l’élagage de grands arbres comme la pruche ou le Douglas taxifolié. En outre, l’échantillonnage par drone n’est pas physiquement exigeant par rapport à l’élagage à l’aide de perches. Le drone a un rayon d’action de 200 m, ce qui rend son utilisation idéale pour de grandes zones ou des terrains accidentés. Cependant, il faut un minimum de deux personnes (pilote et navigateur) pour utiliser le système de drone ainsi qu’une licence de pilote de drone. Le temps de fonctionnement est également limité par les conditions météorologiques, comme la pluie ou les vents violents. De plus, dans certaines applications (p. ex., estimation des populations de tordeuse des bourgeons), la grosseur des échantillons de branches requises est supérieure à ce que le drone peut transporter et nécessiteraient un temps d’échantillonnage supplémentaire ou des modifications au système de coupe.

Tableau 1. Élagueur expérimenté (avec perche) vs pilote et navigateur qualifiés

En résumé, l’échantillonnage des branches d’arbres par drone est une technologie très prometteuse et qui évolue constamment. Le système offre des avantages évidents qui ne pourront qu’être profitables pour le secteur forestier pour certaines applications précises. Pour obtenir de plus amples renseignements sur ce projet, communiquez avec Udayalakshmi Vepakomma (udayalakshmi.vepakomma@fpinnovations.ca), chercheuse principale du groupe Foresterie de FPInnovations.

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